La morale de l’intérêt, professée il y a un siècle par tant de penseurs français et de nos jours par les principaux philosophes de l’Angleterre, est loin d’être nouvelle dans l’histoire. On sait qu’une doctrine semblable, sous le nom d’épicurisme, séduisit l’antiquité : ce fut en Grèce et à Rome la plus populaire des philosophies. « Les disciples et les amis d’Épicure étaient si nombreux, » s’écrie Diogène de Laërte, « que des villes entières n’eussent pu les contenir[1]. » On venait jusque d’Égypte, dit Plutarque, pour entendre le maître. On lui érigea des statues d’airain. Plus tard, quand les Romains, encore remplis des idées religieuses et unissant dans leur cœur l’amour de la patrie au culte de Jupiter Capitolin, entrèrent en contact avec le peuple grec, la première des doctrines qui pénétra chez eux, la première qui fut exprimée en langue romaine, ce fut la doctrine essentiellement irréligieuse d’Épicure : l’épicurisme avait eu assez de force pour vaincre au premier
- ↑ Diog. Laërt., x, 9.