Page:Guyau - La Morale d’Épicure et ses rapports avec les doctrines contemporaines.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE III


SPINOZA. — CONCILIATION DE l’ÉPICURISME ET DU STOÏCISME


Spinoza, métaphysicien de l’utilitarisme. — I. Relativité de la perfection et de l’imperfection ; relativité du bien et du mal. Le bien, c’est l’utile ; l’utile, ce qui produit la joie en satisfaisant le désir ; le désir est la tendance de l’être à persévérer dans l’être. La vertu, c’est de pouvoir persévérer dans l’être ; le bonheur, c’est d’y réussir. Identité de la vertu et du bonheur.
II. — Morale individuelle. — La vertu pour l’individu est de se procurer le plus grand bonheur en satisfaisant le mieux possible sa nature. — Mais la nature, l’essence de l’homme, c’est la raison. — Comprendre, est donc la vertu par excellence. — Synthèse tentée par Spinoza de l’épicurisme, du stoïcisme, du mysticisme et du naturalisme dans l’idée de la raison comprenant l’éternelle nécessité, qui est la Nature ou Dieu, et trouvant dans cette connaissance le parfait bonheur.
III. — Morale sociale. — Géométrie des mœurs. — L’amour, la haine, la sympathie et l’émulation réduits à des théorèmes. — Importance du théorème où Spinoza démontre qu’on aime davantage l’être qu’on croit libre. — Opposition des passions humaines ; pour étouffer cette opposition, la crainte ; pour la ramener à l’unité, la raison. — Epicure et Zénon, l’intérêt personnel et l’intérêt général réconciliés dans l’intérêt de la raison.
IV. — Politique. — Libéralisme utilitaire. — La nécessité de penser identique à la liberté de penser. — Que le gouvernement doit avoir à la fois la puissance physique et la puissance de la raison ; que la puissance physique la plus forte, c’est la démocratie, et la puissance rationnelle la plus grande, la raison générale. — Conciliation, dans Spinoza, de la morale utilitaire et de la morale rationaliste.

Le vaste système de Spinoza, où ceux d’Epicure et de Hobbes sont absorbés, contient d’avance les théories fondamentales de l’école utilitaire française et anglaise ; mais en même temps il s’efforce de les dépasser en ramenant la morale du bonheur à la morale de l’intelligence et en plaçant le suprême plaisir dans le suprême savoir. Spinoza a exercé une influence directe sur d’Holbach, une influence plus ou moins indirecte sur tous les autres penseurs dont nous nous occuperons plus tard, comme Helvétius.

I. — Négation absolue de tout ce que nous entendons par moralité proprement dite, et réduction de toutes