Page:Guyau - La Morale d’Épicure et ses rapports avec les doctrines contemporaines.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE III


RÈGLE DU PLAISIR : l’UTILITÉ. — LE BONHEUR, SOUVERAIN BIEN


I. — Règle du plaisir : l’Utilité. — Considération de la douleur à venir introduite dans la considération du plaisir présent. L’idée du temps jointe à l’idée du plaisir. Point ou commence la divergence d’Aristippe et d’Epicure. Que ce point marque la naissance de la morale utilitaire.
II. — Le Bonheur, achèvement des plaisirs et souverain bien. — Opposition de l’épicurisme avec le cyrénaïsme. Supériorité d’Epicure. 1o Part plus grande faite à l’intelligence ; idéal d’ordre et d’harmonie dans le bonheur. 2o Part plus grande faite à la liberté : possibilité de choisir entre les plaisirs et d’anéantir la force du plaisir présent par la pensée du bonheur futur. 3o Part plus grande faite à la beauté et à la moralité.


Nous sommes descendus aussi bas qu’on peut descendre dans le système épicurien, mais la pensée, après avoir suivi cette sorte de dialectique descendante, aspire à remonter. A présent que nous tenons fortement le premier anneau de cette chaîne par laquelle Epicure s’efforce de rattacher la vertu au plaisir, examinons l’un après l’autre tous les anneaux intermédiaires ; comment pourrons-nous, en partant du plaisir le plus bas, le plaisir du ventre, parvenir au sentiment moral et à la dignité du sage qu’Epicure s’efforce de conserver dans son système ?

I. — Jusqu’à présent nous n’avons guère considéré dans notre analyse que le plaisir, fin unique du désir. Il nous reste à introduire un élément avec lequel chacun doit compter dans la réalité, la douleur.

Tout plaisir, quel qu’il soit, est en lui-même un bien (καθ᾽ ἑαυτήν)[1]; c’est là le principe de la philosophie utili-

  1. Diog. L., X, 129. Πᾶσα οὗν ἡδονὴ διὰ τὸ ἔχειν φύσιν οἰκείαν ἀγαθόν. Ib., 141 : Οὐδεμία ἡδονὴ καθ᾿ ἑαυτὴν κακόν.