Un vieillard sec et grand vint m’ouvrir.
« Monsieur Bürger ? dis-je, craignant de m’être trompé !
— C’est moi, monsieur, veuillez entrer. »
Je suivis le professeur de musique dans une chambre grande et basse, au milieu de laquelle jouaient quelques enfants avec une femme jeune encore.
« Asseyez-vous, monsieur, » me dit le professeur de musique, qui semblait gêné.
Je pris une chaise qu’il m’offrait, en disant :
« Je suis le fils d’un de vos anciens amis, Christian Pleffel, autrefois médecin à Daspich.
— Ah ! Tu es le fils de Christian ! s’écria le brave homme, en m’attirant vers lui et en m’embrassant de tout cœur… Pauvre vieil ami ! Oui, tu lui ressembles bien, quand il était à Paris, blond et mince comme toi !… Je crois le voir encore vivant ! Ah ! il vaut mieux qu’il soit mort que d’être comme nous dans une si grande désolation ! Et toi, tu n’es pas soldat ?
— Je vais rejoindre une armée française ; j’entrerai à Metz, si je le puis. Quoique n’étant pas de l’armée, comme unique soutien de ma mère, j’avais demandé avec instance à partir, mais les Prussiens nous ont surpris, et nous n’avons plus su quelle direction prendre ni à qui nous adresser.
— Et tu viens de Nancy, à pied : tu as l’air fatigué. As-tu mangé ?
— J’ai cherché dans tout Pont-à-Mousson pour avoir à dîner, et je n’ai rien trouvé.
— Nous n’avons que du pain et du vin : et c’est encore une bonne fortune, car il arrive à chaque instant des troupes nouvelles, et le pain est enlevé en quelques minutes, nous allons partager. »
M. Bürger apporta une cruche pleine de vin et un morceau de pain.
« Mange, me dit-il, où vas-tu coucher ?
— Je compte continuer ma route et trouver plus