Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/166

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l’égoïsme ; il ne peut comprendre ceux qui sont prêts à verser leur sang ou à se ruiner pour une noble cause ; il dit d’eux : ils cachent quelque chose ; bien entendu que ce quelque chose est, selon lui, quelque vilenie !

Il voudrait briser le mouvement de l’horloge des siècles à l’heure où il se trouve.

Il paraît du reste que l’homme de tout temps a eu une grande aversion pour les innovations, à en croire cette vieille histoire, et que ce n’est pas seulement en France qu’on a peur des inventions.

Timothée le Milésien avait essayé d’introduire dans Sparte une nouvelle lyre plus perfectionnée que l’ancienne. Les Spartiates rendirent un décret ainsi conçu : « Attendu que Timothée le Milésien... ayant changé la lyre heptacorde et introduit dans cet instrument plusieurs sons, corrompt les oreilles de notre jeunesse, etc. , en conséquence nous voulons que nos rois et nos éphores réprimandent ledit Timothée, lui enjoignant de couper les quatre cordes superflues de son instrument. »

Pourquoi aussi ces nouvelles cordes ? Autrefois on ne faisait pas ainsi, on s’en passait bien et les choses allaient cahin-caha, tant bien que mal.

Nous ne vivons que de progrès et nous faisons encore comme les Spartiates.

Écoutez cette petite anecdote que je trouve dans le Magasin pittoresque, t. 34 : « En 1844, dit l’auteur d’un article sur l’emmanchement des outils, je voulus faire faire l’essai des manches cambrés, par un entrepreneur de travaux publics dans le Vivarais. Ce brave homme se décida à grand’peine à emmancher une seule pelle suivant le tracé que je lui avais dessiné sur un mur. Cette pelle excita d’abord une grande risée, il fallut la donner à un garçon de quinze ans, souffre-douleur de son métier, qui gagnait dix sous quand les bons terrassiers étaient payés dix francs ; puis le souffre-douleur faisant, avec la pelle à manche cam-