Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/321

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Celui-là n’a droit nullement à la reconnaissance publique.

La société ne lui doit rien, puisqu’il ne lui rend nul service.

En vertu de la loi de réciprocité, de mutualité des services, il ne peut lui demander qu’elle lui garantisse aucun droit.

Par conséquent, il ne suffît pas d’avoir trouvé pour être propriétaire de son invention ; il faut encore manifester, appliquer et exploiter. Avant toute chose, l’inventeur doit produire. On ne mange pas des abstractions. Qu’il s’affirme donc par ses œuvres !

Cette doctrine commence à être admise par tous les hommes de progrès qui se sont occupés de cette question.

Les jurys industriels repoussent les vaines curiosités, les choses nuageuses et douteuses, les embryons de machines qui ne servent à rien ; les jurys agricoles demandent aux propriétaires les bénéfices qu’ils tirent de leur exploitation ; tous veulent de la pratique.

Le procès Rohffs-Segrig a fait enfin admettre dans la jurisprudence que « le premier qui fait réellement jouir la société d’un progrès matériel doit être considéré comme le véritable inventeur. » Pour reconnaître cette vérité, il a fallu sept années de procédure, trois jugements, quatre arrêts de Cour impériale et deux arrêts de la Cour de cassation.

Il n’y a rien d’étonnant qu’il ait fallu que la jurisprudence passât par tant de phases avant de reconnaître cette vérité, car elle est opposée, il faut le dire, à l’esprit de la loi.

La loi a le tort d’être toute spiritualiste , de n’avoir envisagé l’invention qu’au point de vue de l’abstraction et d’avoir en conséquence exigé la nouveauté absolue.

Comprenez- vous toutes les conséquences de ce principe : il faut que l’invention n’ait aucune ramification dans le passé ni dans le présent, qu’elle naisse seule et isolée pour qu’elle