Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/320

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Et alors vous pouvez dire avec Legentil :

« Le hasard entre pour beaucoup dans une invention tout entière; il serait étrange qu’il pût jamais conférer un droit de propriété. »

Très-bien ; mais je vous demande à mon tour si la propriété foncière, ou la propriété immobilière, n’est pas le plus souvent le fruit de mille hasards, d’une succession de circonstances heureuses, mais indépendantes de la volonté de l’homme, et encore je ne parle pas du plus grand des hasards, de la naissance.

Allons plus loin : le plus souvent la propriété immobilière est chose honteuse pour celui qui la possède ; de quels vols, de quels dois n ’est-elle pas souvent le fruit ? N’est-ce pas avec raison que J.-B. Say dit en parlant d’elle : « Il n’y a pas un héritage qui ne remonte à une spoliation violente ou frauduleuse, récente ou ancienne ? » Et cependant vous la reconnaissez, cette propriété; vous en faites le soutien de l’ordre social actuel; vous criez bien haut contre ceux qui l’attaquent, et vous n’accorderiez pas le même bénéfice à la propriété industrielle, qui, bien rarement, a des origines aussi hasardeuses et aussi malhonnêtes! car, à moins qu’elle ne soit un vol manifeste, elle est le fruit du travail et du génie.

Maintenant, autre ressemblance entre l’inventeur et le propriétaire foncier : le propriétaire d’immeubles ne rend aucun service à la société, par cela même qu’il possède cet immeuble; c’est un homme parfaitement inutile; celui qui exploite le sol est seul producteur, et par conséquent mérite bien de la société; de même l’homme de génie qui travaille, mais qui a tous ses travaux précieusement serrés dans un cabinet, d’où il ne les laisse jamais sortir, qui, égoïstement, s’enferme avec eux et en jouit pour lui-même, sans jamais les laisser échapper; qui les entasse, comme l’avare légendaire entasse ses écus dans sa cave, les dérobant ainsi à la richesse publique.