Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/332

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civilisation toute de paix, de concorde et d’honnêteté, je reconnais, il est vrai, qu’il faut que vous protégiez mon invention, n’ayant pas la naïveté de croire que tout le monde sera assez honnête pour me laisser en jouir tranquillement.

Mais, en le faisant, vous ne faites que remplir le devoir qui vous est imposé à l’égard de tout citoyen ; je vous paye, je vous abandonne un certain revenu chaque année pour que vous protégiez ma vie et mes biens.

Et moi inventeur, qui ne vous demande que le droit commun, la protection donnée à mon œuvre, à l’œuvre de ma chair et de mon sang, vous me mettez hors de ce droit commun. Vous me donnez, il est vrai, une certaine protection, — et quelle protection ! aussi limitée, aussi étroite, aussi parcimonieuse que possible, que vous me faites payer au delà de toute proportion, et en retour vous exigez que je vous donne mon bien, vous vous en emparez brutalement, vous m’en dépouillez sans vergogne ; et vous osez soutenir que cela est juste ! et vous ajoutez dérisoirement que je suis bien heureux de vous trouver, que vous êtes grands et généreux à mon égard !

Je suis si heureux de vous trouver, en effet, que, chaque fois que je puis m’en dispenser, je ne prends pas de brevet. Mais j’oubliais une chose, une toute petite chose, en réclamant le droit commun pour moi : c’est que vous ne reconnaissez pas que la propriété industrielle soit une propriété comme toutes les autres.

Vous dites en effet : « La propriété de l’inventeur est une propriété sui generis. »

Mais par ces mots n’avouez-vous pas que l’invention est une propriété ? Elle est sui generis, parbleu ! Toute propriété n’est-elle pas sui generis ? n’y a-t-il pas une certaine différence entre le meuble et l’immeuble ? Une action de la Banque ressemble-t-elle à un fonds de terre ?

Vous dites encore : « Un des caractères de la propriété