Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/51

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qu’en donnant à l’homme une bonne nutrition et en le débarrassant de tous les langes qui l’enserrent.

Mais ministres, professeurs et autres fonctionnaires croient qu’il est, au contraire, de leur devoir de comprimer autant que possible ce développement ; ils ficellent chaque homme comme une momie ou le chargent de fers comme Latude.

Ils cherchent bien à augmenter la richesse sociale, ils veulent rendre leur pays grand et puissant, ils ont le désir d’avoir de grands hommes et de faire de grandes choses ; mais, de peur que la chaudière n’éclate, ils ont supprimé le feu ; de peur qu’il n’y ait des incendies, ils ont défendu les allumettes ; de peur que le vin ne fermente, ils y ont mis de l’eau ; de peur que le canon ne crève, ils ont mouillé la poudre.

Ah ! ils auraient bien voulu des grands hommes, mais ils auraient voulu des hommes qui se pliassent à toutes leurs volontés, qui fussent malléables comme de la cire, souples comme des gants. Et comme les grands hommes ordinairement ne sont pas si flexibles, ils ont encore mieux aimé s’en passer que risquer de trouver en face d’eux des Hercules, marchant droit, ne se dérangeant devant personne et abattant à coups de massue ceux qui voudraient les empêcher de parcourir librement leur chemin.

Les Hercules effrayent singulièrement les pygmées gouvernementaux.

Cela se conçoit : avec eux, impossible de rester tranquille ; les hommes de haute stature et de forte encolure occupent un grand espace et ils veulent en jouir librement ; ils ont besoin d’air pour leurs vastes poumons, et ils veulent respirer à leur aise, et tant qu’ils n’ont pas conquis l’espace dont ils ont besoin, tant qu’ils n’ont pas la quantité d’air qui est nécessaire à leur vie, ils s’agitent, se remuent et ébranlent tout à chacun de leurs mouvements.

Dans une société bien constituée, bien réglementée, où chacun a sa petite place déterminée par l’autorité et d’où