Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/77

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Cette disette de médecins est une plaie pour le pays : et que de jeunes gens souffrent de ne pouvoir continuer des études vers lesquelles ils se sentent poussés par une puissante vocation, mais auxquelles ils sont obligés de renoncer parce qu’ils n’ont pas le moyen de les poursuivre ! Ils sont condamnés à n’être qu’officiers de santé. Pourquoi ce titre est-il, en quelque sorte, un brevet d’incapacité ? Un sénateur, M. Dumas, convient qu’ils peuvent être aussi bons médecins que les autres. Pourquoi sont-ils condamnés à une infériorité blessante ? Que de grands avocats qui ne sont pas reçus docteurs en droit ! Il n’y a pas de distinction offensante entre la licence et le doctorat. Pourquoi n’en est-il pas de même dans la médecine ? Pourquoi les officiers de santé ne peuvent-ils exercer leur profession que dans le département pour lequel ils sont désignés ? Pourquoi, s’ils habitent sur la frontière de deux départements, ne peuvent-ils guérir que d’un côté de la limite ? Toutes ces choses ne sont-elles pas vexatoires ? Ces distinctions, ces délimitations ne sont-elles pas ridicules ?

Que d’énergies comprimées, que de jeunes gens qui auraient pu devenir de grands médecins ont été enlevés à la science, parce que leur fortune ne leur permettait pas de se faire docteurs et de pouvoir, grâce à ce titre, exercer leur profession dans toute la France. Si le hasard n’avait pas favorisé Dupuytren, ne l’avait pas arraché de son village, aurions-nous donc eu le célèbre chirurgien ? Le destin ne sourit pas ainsi à tous, et beaucoup sont condamnés, par l’insuffisance de leurs ressources, à aller enterrer leur talent dans le fond d’une campagne, parce qu’un officier de santé ne peut exercer dans une ville ; là, ils sont dénués de moyens pour poursuivre leurs études, continuer leurs travaux, acquérir de nouvelles connaissances. Ils peuvent à peine, à l’aide des journaux scientifiques, se maintenir au courant de la science. Découragés, fatigués, désillusionnés, renonçant à toute ambition, ils se contentent