Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/170

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sente un objet fini, que je vois nettement et que je conçois nettement. Si on me dit que tel journal tire à un million d’exemplaires, je me fais difficilement une idée du tas de papier qu’en représentent les numéros.

La chambre que j’occupe habituellement, je la connais à peu près, quoique je ne sache pas bien exactement tous les objets qui se trouvent dans les armoires. La maison, je la connais moins ; j’avoue que je ne suis jamais monté sur le toit ni même descendu à la cave. Mon jardin, j’en connais les limites et m’en fais une idée d’autant plus nette qu’il est plus petit et que je puis l’embrasser d’un coup d’œil. Si j’ai un parc boisé, je m’en fais une idée moins précise. Ma propriété, je la connais à peu près. Les limites de ma commune sont indécises dans mon esprit. Quant à celles de mon département, il me faut une carte pour les concevoir, et je n’en saisis pas l’aspect. Quant à celles de la France, il me faut toute une étude pour les apprendre, et elles conservent dans mon esprit, ce caractère flou qu’a toute représentation d’objets qu’on ne connaît que par l’intermédiaire des livres et des atlas.

Ma personnalité, je ne la connais pas très bien ; mais enfin, j’ai des notions très nettes de certains besoins, respiration, faim, soif, sommeil ; j’ai des notions moins nettes du plaisir et de la douleur ; j’ai des sympathies et des antipathies plus ou moins inconscientes et variables ; des idées plus ou moins nettes et plus ou moins arrêtées. Je constitue une unité irréductible, agissante et pensante.

Mais mon unité se complète par celle d’une femme