Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/172

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Toute l’expérience de l’humanité répond que le pouvoir ne perfectionne pas moralement les hommes. On cite un Marc-Aurèle qui était philosophe ; mais les Caligulas connus et inconnus abondent.

Au point de vue intellectuel, je suppose qu’un audacieux aille, dans une réunion de la salle Favié ou de la Maison du peuple, dire :

— Citoyens, je crois à l’infaillibilité du pape !

Il est probable que son auditoire sera surpris, et ses huées ne seront contenues que par la curiosité.

Profitant de ce silence, il pourrait développer le thème suivant :

— Je pense que vous êtes prêts à croire à l’infaillibilité du pape, car vous gratifiez du même don tous les hommes qui auront le pouvoir demain, dans la société socialiste qui fera place à la société capitaliste. Vous vous en remettez à eux pour tout faire. Les occupations réparties entre tous, vous les leur attribuez. Ils cultiveront ; ils fabriqueront et distribueront, au prorata des besoins de chacun, qu’ils doseront selon leur sagesse, les produits qu’ils auront obtenus. Ils n’auront pas seulement comme le pape à juger des points de dogme et à déterminer les conditions de la vie surnaturelle. Chaque jour, ils devront régler tous les détails de la vie pratique, en substituant leur sagesse gouvernementale, leur prévoyance sociale, à l’imprévoyance et à la folie individuelles.

Quand le chef de la tribu ou de l’État tenait son mandat de Dieu, il était tout simple que ses sujets lui reconnussent toute sagesse. Quelquefois, ils le brisaient, comme les Bas-Bretons brisent les statues