XII
1’habite : ces marins, ces pêcheurs, ces journaliers de la terre portent presque tous la particule ; ce sont les descendants d’anciens nobles jacobines, dépouilles de leurs biens, proscrits avec les Stuarts et qui vinrent se terrer la peu après. Il leur fallut, pour vivre, adopter les façons des simples paysans. Nobmns Piou/art, nobmns netrrc, « noblesse de Plouha, noblesse de rien », dit encore un proverbe breton.
Ciest un des traits pourtant de cette race fruste et primitive que son extraordinaire finesse, son aptitude au reve et à la méditation. Ainsi, dans le granit celtique, s’ouvrent brusquement de merveilleuses fontaines d’une incomparable limpidité, d’un orient aussi pur que celui des pierres précieuses.
Hamon, comme Renan et Brizeux, témoigne de ces - ressources cachees de la race, de cette tendresse frémissante sous une couche de superficielle sauvagerie. A cette ame de reve, les durs labeurs de la mer et des champs ne convenaient point. Une vocation precoce l’inclinait vers l’étude. Or son père, denue de tout, ne pouvait lui donner qu’une modeste instruction primaire. Elle ne suffisait point à Jean-Louis Hamon. Heureusement le recteur de la paroisse, ayant remarque son intelligence, lui fit obtenir une bourse au petit séminaire de Treguier.
Ce fut exactement l’histoire de Guennou. Recueilli par charite, comme Hamon, Quellien et tant d’autres, dans le vieux collège épiscopal, que hante implacablement le grand souvenir de Renan, il s’initia aux lettres antiques et tacha d’en exprimer le miel dans les poésies bretonnes qu’il cominençaita composer déjà. Un de ses parents l’avait mis en relations avec un instituteur de Pontrieux, ce Le Jean, poëte breton aussi, et qui avait pris pour nom hardique Eostz’c-Coatmwzoz, le Rossignol du bois de la nuit. Le Jean guida les premiers pas de l’entant et lui donna quelques notions de prosodie. Elles lui profitèrent assez pour qu’en 1863, quand Guennou n’avait encore que douze ans, Le Jean ne craîgnit pas d’envoyer a mon père, éditeur à Lannion, une poésie de son jeune éleve qu’il jugeait digne de l’impression.
Je l’ai la, dans ma collection de gwem/ou et de semou sur feuilles volantes, cette petite pièce intitulée Ar gotmm/z gzcemz, la « Colombe blanche ». Elle est d’une délicieuse fraîcheur d’inspiration. D’autres pièces prirent leur volee à sa suite. Je ne crois pas que Guennoules ait recueillies : il se destinait a la pretrise ; il entra même au grand séminaire. Mais il en sortit presque aussitôt. Peut-être lui arriva-t-il