Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/120

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Les femmes, sauf peut-être Gisèle de La Balue, admiraient sincèrement Bijou. Madame de Nézel écoutait, les yeux tristes et le sourire plein de bonté. Quant à M. de Clagny, tout ce qu’il y avait en lui de sensibilité et de tendresse semblait s’élancer vers cet être délicat et joli. Ses yeux, tout chargés de caresses, enveloppaient à la fois le délicieux visage, les petits doigts roses qui couraient sur les cordes, et la taille souple de Bijou. Et lorsque, ayant fini de chanter, elle vint à lui, sans se soucier des compliments qui pleuvaient sur elle, demandant, gentiment câline : « Ça ne vous a pas trop ennuyé ?… » il fut un instant sans répondre. Une émotion l’étranglait. À la fin, il dit :

— Je vous la redemanderai souvent, cette chanson !… oui… je viendrai vous voir… et vous me chanterez le Petit Soldat… vous voudrez bien ?…

Un désir le prenait d’entendre chanter Bijou pour lui, pour lui tout seul, sans partager sa voix et son charme avec tous ces gens qu’il avait en horreur.

Elle répondit, l’air heureux :

— Vous viendrez tant que vous voudrez, et je vous chanterai tout ce que vous voudrez…

Puis, d’une glissade, elle fila vers Jean de Blaye, isolé à un bout du salon :

— Ça t’ennuie, toi, quand je chante, n’est-ce pas ?…

Il dit, surpris de la question, surpris aussi que Bijou s’occupât de lui.

— Mais non !… pourquoi ?…

— Parce que je te voyais tout à l’heure… tu