Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ajouta, persuasif, en prenant la bride de Patatras :

— Ça fera r’poser un brin aussi le ch’va… qu’c’est qu’il a bié chaud…

Le langage de « maît’Lavenue » amusait toujours Bijou. Ce grand diable de Normand, émigré en Touraine depuis plus de dix ans, n’avait rien perdu de son accent primitif.

C’était madame de Bracieux qui, mécontente des fermiers tourangeaux, avait eu l’idée de cette greffe. Jamais Charlemagne Lavenue n’avait fraternisé avec les gens du pays. Il était craint et admiré de ces hommes simples et maladroits, qui le voyaient s’enrichir à la place même où d’autres s’étaient ruinés. Il avait peu à peu, en faisant « venir du monde de chez lui », transformé les Borderettes en petite Normandie, et telle était sa force qu’il était arrivé, lui, intrus, à se faire élire maire de Bracieux, sautant à pieds joints par-dessus les anciens notables.

Voyant que Denyse ne répondait pas, il la prit par la taille et la posa à terre en disant :

— Vous voulez bié… s’pas ?…

Puis, donnant le cheval à tenir au cocher, il indiqua la porte en s’effaçant pour faire passer Bijou. Tout de suite, elle dit, l’air aimable :

— C’est gentil, chez vous, monsieur Lavenue !… est-ce que je connaissais déjà cette pièce-ci ?… non ?… je ne crois pas ?…

— Vous la connaissiez, mad’moiselle… seulement,