Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/135

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— Au revoir !… et encore merci !…

Au moment de sortir de la cour, elle se retourna pour crier au fermier resté piqué à la même place, immobile, les bras ballants :

— N’oubliez pas les pêches et les poires de grand’mère, monsieur Lavenue !…

Puis elle regarda sa montre. Il était onze heures cinq. Elle avait le temps de rentrer sans se presser. Il fallait laisser à M. Giraud et à Pierrot le temps de venir au-devant d’elle, la récréation ne commençait qu’à onze heures. En traversant un village, elle cueillit à une grosse touffe de clématite qui retombait par-dessus le mur du cimetière, un bouquet pour remplacer celui qu’elle avait perdu. Puis, quand elle se retrouva seule dans la campagne, elle prit de nouveau la petite glace et ébouriffa gentiment ses cheveux qui, à présent, ne frisaient plus assez, aplatis par la chaleur. À onze heures et demie, ne voyant pas arriver ceux qu’elle attendait, un peu d’impatience lui vint et elle mit au galop Patatras qui, très veule, s’arrêtait voulant à toute force brouter les haies. Soudain son joli visage joyeux prit une expression sérieuse, presque triste. À ce moment, elle était dans un petit pré qui longeait le bois. Une voix cria :

— Hé !… Bijou !… c’est comme ça que tu nous brûles !…

Elle s’arrêta court, l’air surpris, et revint sur ses pas. Pierrot et M. Giraud, étendus à l’ombre, se levaient, laissant dans l’herbe foulée la marque de leurs corps.