Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/144

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— Eh ! eh !… — fit la marquise, en toisant l’abbé avec bienveillance, — c’est gentil, cette comparaison !…

Pendant que tout le monde s’occupait d’elle, Bijou, très aimable, causait, sans plus entendre ce qu’on disait avec M. Spiegel, un peu isolé au milieu de tous.

C’était un jeune homme à l’air grave et doux, gourmé presque, si la gaîté de ses yeux n’eût corrigé la sévérité de la bouche et l’austérité du maintien. Assez grand et très svelte, il s’habillait de vêtements sombres, bien coupes. D’ensemble M. Spiegel donnait un peu l’impression d’un jeune clergyman élégant. Fasciné, ébloui par la beauté et la grâce de Bijou, il fixait sur elle des yeux pleins d’une extase étonnée, tandis qu’elle l’examinait à la dérobée, surprise de voir que le fiancé de Jeanne était aussi « réussi ».

Le déjeuner parut long. Tous les hôtes de la marquise s’observaient mutuellement, les uns préoccupés et silencieux, les autres plus loquaces, mais singulièrement préoccupés aussi.

Madame de Bracieux assistait, sans y rien comprendre, à ce changement d’attitudes, à cette sorte de transformation qui s’accomplissait depuis quelques jours. Elle ne reconnaissait plus le petit monde qu’auparavant elle dirigeait si facilement à son gré.

Seuls, M. Spiegel et Bijou, placés l’un près de l’autre, causaient avec l’animation de ceux qui parlent non pas seulement pour dire quelque