Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/145

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chose, mais parce qu’ils ont quelque chose à dire.

Plusieurs fois Jeanne Dubuisson, assise à la droite de M. Spiegel, se tourna vers lui avec une petite flamme dans son regard bleu si bon. Elle songeait, chagrine, que bien certainement son fiancé prenait à regarder Bijou plus de plaisir qu’à la regarder elle-même. Et une tristesse lui vint à l’idée que jamais il n’avait posé sur elle des yeux aussi expressifs que ceux qu’il attachait en ce moment sur Bijou.

Jeanne, qui avait dix-neuf ans, paraissait beaucoup plus âgée que Denyse, bien qu’elle fût un peu du même modèle. Les cheveux, blonds comme ceux de Bijou, étaient moins cendrés, moins brillants, mais plus épais ; les yeux d’un bleu moins rare ; les dents aussi blanches, mais moins bien rangées ; la peau moins éclatante ; les attaches moins fines. Bijou, toute petite, mettait pour se grandir des talons trop hauts. Jeanne, assez grande, ne portait que des talons anglais très bas. Tandis que l’une était en quelque sorte un éblouissement, l’autre passait presque inaperçue, jolie surtout du très grand charme qui venait de son exquise bonté.

Après le déjeuner. Bijou emmena tout de suite Jeanne dans le parc. Elle l’avait à peine revue depuis que son mariage était décidé.

— Pourquoi — demanda-t-elle — m’avais-tu dit d’un air tranquille que M. Spiegel était « bien » ?…

— Mais — fit mademoiselle Dubuisson — parce que je le trouve tel… est-ce que toi, tu ne…