Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/156

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tôt, Jean de Blaye éprouvait un douloureux malaise. L’innocent baiser de Bijou, ce baiser donné si franchement devant tout le monde, l’avait bouleversé, réveillant brusquement l’amour qu’il voulait endormir sous les tendres caresses de madame de Nézel.

La veille, il disait à la jeune femme qui se serrait toute frémissante contre lui : « Est-ce que je peux aimer... comme je t’aime, cette enfant que je n’ai jamais touchée du bout des doigts ?... » À ce moment-là, il se sentait repris peu à peu par les sensations passionnées et profondes que son amour pour Bijou ne pouvait pas lui donner. Et voilà que, tout à coup, au lendemain même du jour où il espérait l’oubli, où il s’expliquait — à peu près calme — la cause de cet oubli, cette cause disparaissait, faisant place à un trouble très grand, qui le laissait sans force pour la lutte. Ses désirs, en se transformant, s’augmentaient, tandis que la tendre et pâle image de la maîtresse tant aimée s’éloignait, pour ne pas revenir, croyait-il. Il comprenait qu’il ne devait pas essayer plus longtemps de conserver l’amour de madame de Nézel, alors qu’il ne pouvait plus lui donner le sien. Et en pensant à cette affection si forte, où venait aux jours mauvais s’abriter son cœur, il pleura. Depuis quatre ans la jeune femme lui abandonnait toute sa vie, toute son âme, tout ce qu’il y avait en elle de délicat et de charmant. Et pendant que la tante de Bracieux, l’oncle Alexis, et les Rueille, et toute sa famille, le croyaient occupé à faire la noce, il