Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/157

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vivait d’une vie très ignorée et très douce, organisée dans l’ombre, à côté de la vie extérieure que chacun connaissait et critiquait. C’était à ce bonheur paisible et chaud qu’il fallait renoncer ! Et pourquoi ?... Allait-il se décider à dire à Bijou son amour ?... et.même en admettant qu’elle ne repoussât pas cet amour, était-il en situation d’épouser ce merveilleux bibelot créé pour un cadre luxueux ? Bien des fois déjà il y avait songé, et toujours il s’était dit que ce serait une absurde folie. Et puis, jamais Bijou ne l’aimerait assez pour accepter cette médiocrité tranquille.

Comme il avait promis à madame de Nézel d’aller le lendemain à Pont-sur-Loire, il lui écrivit un mot pour s’excuser. En cachetant sa lettre, il pensa : « Elle ne croira pas au prétexte que je lui donne... mais elle comprendra... et c’est fini !... » Et, soudain, il se sentit seul, très seul. Il eut la perception singulièrement nette de la vie qui allait dès lors être la sienne, et il frissonna douloureusement.

Pendant qu’il ressassait dans sa pauvre tête brisée toutes ces tristesses. Bijou, en installant Jeanne Dubuisson, affirmait :

— Tu rêves, je te dis... tu rêves !... il m’aime bien... comme on aime sa cousine... ou même sa sœur...

— Non !... il n’y avait qu’à regarder sa tête quand il est sorti du salon !... il était bouleversé !... je suis sûre qu’il l’est encore...

— Veux-tu pas que j’aille le lui demander ?...