Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/182

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— Vous vous amuserez toujours autant que dans votre lit !… à relire quelque vieux bouquin que vous devez savoir par cœur ?… oh !… vous le savez par cœur, j’en suis sûre !… il n’y a dans la bibliothèque que des classiques ou des vieux rossignols… depuis que je suis là, il n’entre plus un livre, ni rue de l’Université, ni à Bracieux, tellement grand’mère a peur que je ne fourre dedans mon nez… et elle a bien tort, grand’mère, d’avoir peur de ça !… jamais je n’ouvrirais un livre qu’on m’aurait défendu d’ouvrir, jamais !…

— Grand’mère craint toujours que vous ne fassiez ce que ferait une autre jeune fille !… vous êtes une si surprenante exception. Bijou !…

— Oui, je suis une exception, un ange, tout ce que vous voudrez… mais venez avec moi, ou laissez-moi m’en aller, voulez-vous ?… je n’aime pas à me faire attendre…

M. de Rueille posa son livre sur une console et dit :

— Mon Dieu !… je veux bien aller avec vous !… Il suivit sans parler Bijou qui trottinait devant lui. Elle était si gentille, allant et venant à travers les grands seaux pleins de lait, son chapeau de paille enroulé de dentelle planté à la diable sur ses cheveux blonds ; son petit peignoir de batiste rose relevé très haut, par une grande épingle de nourrice en argent.

Quand elle eut vérifié, ordonné, disposé toutes choses sans plus s’occuper de son cousin que s’il n’existait pas, alors seulement elle se tourna vers lui, souriante :