Page:Hémon - La Rochefoucauld, 1896.djvu/12

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Ces Mémoires, je leur restitue dans l’œuvre totale la place qu’ils y doivent tenir. Lorsque je cite sans indiquer la source, ce sont les Mémoires que je cite. J’en rapproche à chaque page les Maximes, imprimées d’ordinaire en italique, tâchant de faire en sorte que la pratique et la théorie s’éclairent l’une par l’autre. C’est un travail non de marqueterie, mais de comparaison et de démonstration, qui n’a d’ailleurs rien de mathématique, car je ne me prive pas du plaisir de mettre la Rochefoucauld en contradiction avec lui-même. Mais si, prise dans son ensemble, la morale amère est le fruit naturel d’une amère expérience, le jugement final est simplifié. Un livre d’histoire peut être triste ; mais s’indigner contre l’historien est puéril. C’est un livre d’histoire morale que les Maximes, et le seul tort de l’observateur, c’est d’avoir transformé ses observations particulières en axiomes.

La première partie de cette étude montre comment, longtemps avant d’écrire les Maximes, la Rochefoucauld les porte en lui, comment l’homme d’action et l’historien expliquent d’avance le moraliste. La seconde partie prouvera, je l’espère, que si l’influence intime d’une Mme de la Fayette a pu atténuer l’âpreté première des Maximes, dans leur accent et dans leur fond, l’influence mondaine d’une Mme de Sablé n’en a pu modifier que la forme. Ainsi envisagées comme l’œuvre très personnelle d’un homme