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MARIA CHAPDELAINE

par milliers du foin coupé et les harcelaient de leurs piqûres ; le soleil ardent leur brûlait la nuque et les gouttes de sueur leur brûlaient les yeux ; la fatigue de leurs dos toujours pliés devenait telle vers le soir qu’ils ne se redressaient qu’avec des grimaces de peine. Mais ils besognaient de l’aube à la nuit sans perdre une seconde, abrégeant les repas, heureux et reconnaissants du temps favorable.

Trois ou quatre fois par jour, Maria ou Télesphore leur apportait un seau d’eau qu’ils cachaient sous des branches pour la conserver froide ; et quand la chaleur, le travail et la poussière de foin leur avaient par trop desséché le gosier, ils allaient, chacun à son tour, boire de grandes lampées d’eau et s’en verser sur les poignets ou sur la tête.

En cinq jours, tout le foin fut coupé, et comme la sécheresse persistait, ils commencèrent au matin du sixième jour à ouvrir et retourner les veilloches qu’ils voulaient granger avant le soir. Les faux avaient fini leur besogne, et ce fut le tour des fourches. Elles démolirent les veilloches, étalèrent le foin au soleil, puis vers la fin de l’après-midi, quand il eut séché, elles l’amoncelèrent de nouveau en tas de la grosseur exacte qu’un homme peut soulever en une seule fois au niveau d’une haute charrette déjà presque pleine.

Charles-Eugène tirait vaillamment entre les