Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Encore cinq Pater et cinq Ave pour le repos de ceux qui ont eu de la malchance dans les bois…

Et les voix s’élevèrent à nouveau, un peu plus étouffées encore qu’auparavant, avec parfois un frémissement qui ressemblait à un sanglot.

Lorsqu’elles se turent et que tous se relevèrent après le dernier signe de croix, Maria se détourna de suite et retourna près de la fenêtre. Le gel avait fait des vitres autant de plaques de verre dépoli, opaques, qui abolissaient le monde du dehors ; mais Maria ne les vit même pas, parce que les larmes avaient commencé à monter en elle et l’aveuglaient. Elle resta là quelques instants, immobile, les bras pendants, dans une attitude d’abandon pathétique ; puis son chagrin tout à coup se fit plus poignant et l’étourdit ; machinalement elle ouvrit la porte et sortit sur les marches du perron de bois.

Vu du seuil, le monde figé dans son sommeil blanc semblait plein d’une grande sérénité ; mais dès que Maria fut hors de l’abri des murs, le froid descendit sur elle comme un couperet, et la lisière lointaine du bois se rapprocha soudain, sombre façade derrière laquelle cent secrets tragiques, enfouis, appelaient et se lamentaient comme des voix.

Elle se recula avec un gémissement, referma