Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/54

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— Mais il ne faut pas qu’il y revienne, eh, « sa » mère ! Il ne faut pas qu’il y revienne, ce méchant démon. Je prendrai le fusil à « son » père et je le tuerai…

— On ne tue pas les démons avec un fusil, prononçait la mère Chapdelaine. Quand tu sens la tentation qui vient, prends ton chapelet et dis des prières.

Télesphore n’osait répondre ; mais il secouait la tête d’un air de doute. Le fusil lui paraissait à la fois plus plaisant et plus sûr et il rêvait d’un combat héroïque, d’une longue tuerie dont il sortirait parfait et pur, délivré à jamais des embûches du Malin.


Samuel Chapdelaine rentra dans la maison et le souper fut servi. Les signes de croix autour de la table ; les lèvres remuant en des « Benedicite » muets, Télesphore et Alma-Rose récitant les leurs à haute voix ; puis d’autres signes de croix ; le bruit des chaises et du banc approchés, les cuillers heurtant les assiettes. Il sembla à Maria qu’elle remarquait ces gestes et ces sons pour la première fois de sa vie, après son absence ; qu’ils étaient différents des sons et des gestes d’ailleurs et revêtaient une douceur et une solennité particulières d’être accomplis en cette maison isolée dans les bois.

Ils achevaient de souper lorsqu’un bruit de