Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/75

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en lui pour lui faire un cœur simple, doux, et qui mentait à son aspect redoutable.

Da’Bé était aussi grand, mais plus mince, vif et gai, et ressemblait à son père.

Les époux Chapdelaine avaient donné aux deux premiers de leurs enfants, Esdras et Maria, de beaux noms majestueux et sonores ; mais après ceux-là ils s’étaient lassés sans doute de tant de solennité, car les deux suivants n’avaient jamais entendu prononcer leurs noms véritables : on les avait toujours appelés Da’Bé et Tit’Bé, diminutifs enfantins et tendres. Les derniers, pourtant, avaient été baptisés avec un retour de cérémonie : Télesphore… Alma-Rose…

— Quand les garçons seront revenus nous allons faire de la terre, avait dit le père.

Ils s’y mirent en effet sans tarder, avec l’aide d’Edwige Légaré, leur « homme engagé ».

Au pays de Québec l’orthographe des noms et leur application sont devenues des choses incertaines. Une population dispersée dans un vaste pays demi-sauvage, illettrée pour la majeure part et n’ayant pour conseillers que ses prêtres, s’est accoutumée à ne considérer des noms que leur son, sans s’embarrasser de ce que peut être leur aspect écrit ou leur genre. Naturellement la prononciation a varié de bouche en bouche et de famille en famille, et lorsqu’une circonstance solennelle force enfin à