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La jeune femme. En effet, dans une société, il ne peut pas plus y avoir deux Morales que deux sortes de Droits fondamentaux, quand l’Égalité est à la base.

L’auteur. Nos mœurs et notre législation n’ont pas votre brutale logique, Madame.

Il y a deux Morales : une peu exigeante, facile ; c’est celle de l’homme. L’autre sévère, difficile ; c’est celle de la femme. La Société rationnelle… comme elle l’est toujours, a chargé du lourd fardeau les épaules de l’être réputé faible, inconsistant, et a placé le fardeau léger sur celles du fort, sans doute parce qu’il est réputé le sage, le courageux : n’est-ce pas équitable ?

La jeune femme. Cela me semble au contraire très injuste et fort peu raisonnable.

Si la femme est faible, imparfaite et l’homme fort et raisonnable, on doit moins exiger de la première que du dernier. Prétendre que la femme peut et doit être supérieure à l’homme en moralité, c’est avouer qu’elle possède plus que lui les facultés qui élèvent notre espèce au dessus des autres : c’est donc une contradiction.

Le sens moral donnant la puissance de se gouverner en vue d’un idéal de perfection, si la femme le possède plus que l’homme, que devient l’excellence de celui-ci qui avoue ne pouvoir vaincre ses instincts brutaux ?

L’auteur. Vous êtes trop curieuse, Madame ; la Société se contredit, mais ne s’explique pas ; elle n’est pas du tout philosophe. Elle a décidé que l’excellence de l’homme ne l’oblige point à vaincre toutes les passions qui nuisent à autrui, mais seulement celles qui ont pour point de mire la pièce de mon-