Aller au contenu

Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
goélette ailée

Clair de lune sur la mer accalminée. Pas de sillage étincelant, pas de reflets sur l’immensité des eaux.

Beauté ! Douceur ! Silence !

Lorsque passe un souffle, c’est une pluie d’étoiles qui palpite et meurt.

Le sillage rejoint la lune de clarté.

Ailée passe silencieusement en traînant ses grandes ailes blanches douces comme des plumes sur cette mer irréelle.

La lune éclaire d’une façon morbide et fausse la mer agitée qui vient battre avec fracas la coque de Ailée. L’avant se soulève éperdument sur les masses noires, puis retombe en ouvrant la mer qui lugubrement forme deux gerbes étincelantes.

Sous la lune sinistre, Ailée navigue ce soir toute pâle sur la mer démontée.

J’ai quitté mon Ailée et mes petites Ailes.

J’ai quitté la Mer. Je suis dans la grande ville bruyante, je vais, je viens, je souris.

Mon âme est ailleurs, mon cœur est à la traîne.

Que me reste-il ici ?

Mes souvenirs collés à moi comme un manteau semblable aux petites herbes sur une coque arrêtée.

Pour oublier le bruit infernal, je lève les yeux par dessus les toits pour retrouver mon horizon familier.