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Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/148

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une âme à la mer

des engagements que j’avais en Espagne avec l’Aile II et l’Aile III. Mais je donnai tout pouvoir à mon capitaine ; il me télégraphia que leurs veuves voulaient ravoir les corps de leurs maris dans leur cimetière de Bretagne, mais à cause du prix qu’on leur demandait elles étaient obligées d’y renoncer. Je leur envoyai cette somme que j’aurais préféré donner pour leurs petits enfants, mais pour ces malheureuses s’agenouiller sur leurs tombes c’était les avoir moins perdus. Le capitaine eut la triste mission de conduire en Bretagne les deux cercueils et de me remplacer à leurs obsèques. Leurs veuves me remercièrent avec des mots touchants, et ce matin-là, où je devais être, j’entendais sonner les cloches funèbres de ces clochers pauvres de notre Bretagne. Je voyais la terre fraîchement remuée, les petits bouquets aux fleurs serrées et je sentais toute la douleur contenue dans l’étroit enclos.

Ils avaient compris, avec leurs âmes simples et leurs cœurs rudes à naviguer ensemble, que j’avais fait toujours ce que j’avais pu pour les rendre heureux.

Aussi sur leurs deux pauvres visages, je voyais encore ce sourire qui semblait me dire pour la dernière fois :

« Merci, Ma Dame ».