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Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/169

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le bateau de mon enfance

voyage, car l’argent dépensé ne vous donnera pas des yeux pour voir la beauté.

Il ne suffit pas de payer, pour découvrir le charme d’un paysage, il faut avoir navigué et naviguer encore pour savoir prendre des couleurs au soleil couchant sur la mer, et comprendre jusqu’à l’ivresse et jusqu’à l’angoisse, la pesanteur surhumaine de voir le jour devenir la nuit.

Oui, je pense à toutes ces choses, moi qui embarque par la pensée quand je veux, sur le bateau de mon enfance ; je vais, je viens, monte et descends, j’erre, je m’attarde et bien souvent fatiguée par mon quart, je m’étends à même sur le pont, près du compas, et je m’endors avec des étoiles devant les yeux, le rythme de la machine et la présence du capitaine.

Alors les voici tous embarqués ; les cabines se sont remplies.

Les inconnus peut-être deviendront des amis ou des ennemis.

Les uns s’aimeront trop peut-être, les autres pas assez.

Dépouillés devant la grande nature, ils deviendront plus simples s’ils peuvent le devenir, meilleurs s’ils comprennent ce qu’ils voient.