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Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/214

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une âme à la mer

l’époque ne s’y prêtait pas. Pourtant c’était bien là mon vrai grand rêve. Il me fallait une goëlette rapide, voulant supporter toutes les mers et tous les temps voulant courir avec mes bateaux de courses dans tous les pays du monde. Le temps passait et je ne pouvais me décider.

Pourquoi entreprendre en Angleterre ou en Écosse un déplacement inutile ? Ces bateaux qui ne pouvaient me plaire, ici en photographie, sous toutes leurs voiles, ne le pouvaient pas davantage au désarmement, que serait-ce même de les voir dans leurs souilles de vase, sous la pluie ?

Non — Non — et le découragement me saisissait, mon présent n’existait pas puisque j’étais sans navigation — mon avenir me semblait si incertain et lointain.

Mon passé seul me retenait et par ces jours lents d’automne pluvieux, à travers la grisaille qui tombait avec les feuilles, je revivais mes jours anciens — ruminant, si je puis dire, doucement, savoureusement mes tempêtes et mes beaux jours.

Un matin, l’on m’apporta un télégramme ; c’était de l’un de mes agents : « Belle goëlette quatre cents tonnes ex-Météor IV, venez la voir Rotterdam : Lettre et photos suivent ».

Je restai songeuse. Était-ce le fameux Météor que j’avais vu courir à Cowes en 1913 avec son Empereur Allemand, avec les grandes goëlettes Américaines et Anglaises ?