Page:Hérodien - Histoire romaine, depuis la mort de Marc-Aurèle jusqu'à l'avénement de Gordien III (trad Léon Halévy), 1860.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étaient divisés d’opinion, au grand détriment des citoyens, car ils avaient plus à cœur de se contredire que d’être justes. Dans les jeux même ils se rangeaient toujours sous deux bannières. Ils ne cessaient de se dresser des piéges de toute espèce. Ils tentaient mutuellement la fidélité de leurs cuisiniers et de leurs échansons. Mais leur défiance toujours en haleine et leur prévoyance soupçonneuse leur rendaient difficile à tous deux le succès de leur perfidie. Enfin, impatient de régner seul et dominé par sa violente ambition, Antonin se détermina à porter un coup décisif, funeste à son rival ou à lui-même, et à ne plus employer d’autre arme que le fer, d’autre moyen que le meurtre.

VIII. Il avait vu ses manœuvres secrètes échouer ; il voulut recourir, dans l’aveuglement de son ambition, à un acte de désespoir. Il envahit soudainement la chambre de son frère, qui ne s’attendait à rien de semblable ; il frappe Géta d’un coup mortel ; l’infortuné tombe et inonde de sang le sein de sa mère. Antonin, après avoir commis le crime, s’échappe aussitôt et parcourt le palais, s’écriant qu’il vient d’être préservé du plus grand péril, et qu’il n’a sauvé sa vie qu’avec peine. En même temps il ordonne à ses gardes de l’entraîner avec eux dans le camp, seule retraite, disait-il, qui pût garantir ses jours et le défendre ; car s’il restait au palais il était perdu.