Page:Hérodien - Histoire romaine, depuis la mort de Marc-Aurèle jusqu'à l'avénement de Gordien III (trad Léon Halévy), 1860.djvu/211

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laisse après soi la mémoire d’un lâche, tandis que le vainqueur peut s’enorgueillir à la fois de son bonheur et de son courage. Les tortures des complices de Géta vous révéleront, sénateurs, les empoisonnements, les piéges sans nombre auxquels a échappé ma vie. J’ai fait conduire ici tous les ministres de ses perfidies, pour que vous puissiez connaître la vérité tout entière. Quelques-uns ont déjà été interrogés, et vous entendrez leurs aveux. J’étais avec ma mère, quand il vint à moi, accompagné d’assassins armés. Le ciel permit que je pénétrasse ses intentions, et je me vengeai d’un ennemi, car ce n’était plus un frère : il en avait abjuré tous les sentiments. Non seulement la justice, mais tous les exemples autorisent la punition d’un agresseur. Le fondateur de cette ville, Romulus, ne souffrit pas de son frère une simple raillerie. Je ne rappellerai point le sort de Germanicus, frère de Néron, ni celui de Titus, frère de Domitien. Mais Marc-Aurèle, ce prince qui tenait tant à son renom de philosophie et d’humanité, ne put supporter un outrage de Lucius Vérus son gendre, et il le fit assassiner. Pour moi, c’est après avoir couru les hasards de vingt empoisonnements, c’est à la vue d’un poignard prêt à me frapper, que je me suis vengé d’un ennemi. Car, je le répète, il ne mérite pas un autre nom. Votre devoir, sénateurs, est de rendre d’abord grâce aux dieux qui vous ont du moins conservé un de vos princes, et de bannir ensuite