Page:Hérodien - Histoire romaine, depuis la mort de Marc-Aurèle jusqu'à l'avénement de Gordien III (trad Léon Halévy), 1860.djvu/67

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V. Marc-Aurèle déjà vieux, accablé sous le fardeau de l’âge, du travail et des soucis, fut attaqué soudain, en Pannonie, d’une maladie grave. Désespérant lui-même de son salut, et voyant son fils à peine entré dans l’adolescence, il craignit qu’entraîné par le feu de la jeunesse, perverti par l’usage funeste de cette liberté sans bornes à laquelle le livrerait la mort d’un père, il ne renonçât à la sagesse et à l’étude pour se livrer aux passions les plus déréglées. Il savait avec quelle facilité l’esprit des jeunes gens abandonne les goûts vertueux et honnêtes pour se plonger dans les plaisirs.

VI. Ce prince éclairé voyait avec effroi dans l’histoire tous ces monarques élevés à l’empire dans leur jeunesse : il se rappelait Denys, ce tyran de la Sicile, qui, dans son intempérance, avait besoin de nouveaux plaisirs dont il récompensait magnifiquement les inventeurs ; il se rappelait l’autorité violente et despotique de ces successeurs d’Alexandre, qui flétrirent à jamais la puissance que leur avait léguée ce prince ; il voyait un Ptolémée foulant aux pieds, dans son déshonneur, les lois de la Macédoine et celles de la Grèce entière, ne pas rougir d’un commerce incestueux avec sa sœur ; un Antigone, voulant imiter en tout Bacchus, entourer sa tête de lierre, au lieu du diadème macédonien, et porter un thyrse au lieu de sceptre.