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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

juments ; les esclaves soufflent dans ces os avec la bouche, tandis que d’autres tirent le lait. Ils se servent, à ce qu’ils disent, de ce moyen parce que le souffle fait enfler les veines des juments, et baisser leur mamelle.

Lorsqu’ils ont tiré le lait, ils le versent dans des vases de bois autour desquels ils placent leurs esclaves pour le remuer et l’agiter. Ils enlèvent la partie du lait qui surnage[1], la regardant comme la meilleure et la plus délicieuse, et celle de dessous comme la moins estimée. C’est pour servir à cette fonction que les Scythes crèvent les yeux à tous leurs prisonniers ; car ils ne sont point cultivateurs, mais nomades.

III. De ces esclaves et des femmes scythes, il était né beaucoup de jeunes gens, qui, ayant appris quelle était leur naissance, marchèrent au-devant des Scythes qui revenaient de la Médie. Ils commencèrent d’abord par couper le pays en creusant un large fossé depuis les monts Tauriques jusqu’au Palus-Mæotis, qui est d’une vaste étendue. Ils allèrent ensuite camper devant les Scythes qui tâchaient de pénétrer dans le pays, et les combattirent. Il y eut entre eux des actions fréquentes, sans que les Scythes pussent remporter le moindre avantage. « Scythes, que faisons-nous ? s’écria l’un d’entre eux ; s’ils nous tuent quelqu’un des nôtres, notre nombre diminue ; et, si nous tuons quelqu’un d’entre eux, nous diminuons nous-mêmes le nombre de nos esclaves. Laissons-là, si vous m’en croyez, nos arcs et nos javelots, et marchons à eux, armés chacun du fouet dont il se sert pour mener ses chevaux. Tant qu’ils nous ont vus avec nos armes, ils se sont imaginé qu’ils étaient nés nos égaux. Mais quand, au lieu d’armes, ils nous verront le fouet à la main, ils apprendront qu’ils sont nos esclaves, et, convaincus de la bassesse de leur naissance, ils n’oseront plus nous résister. »

  1. C’est la crème. Il est bien étonnant que ni les Grecs ni les Latins n’aient pas en leur langue de terme qui l’exprime. Fortunat, qui vivait dans le vie siècle, s’est servi du mot crema ; il vient de cremor, que les Latins emploient pour signifier le suc épais qui surnage sur l’eau où l’on a fait macérer du grain. (L.)

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