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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

qu’ils ont le nez aplati et le menton allongé. Ils ont une langue particulière ; mais ils sont vêtus à la scythe. Enfin, ils vivent du fruit d’une espèce d’arbre appelé pontique. Cet arbre, à peu près de la grandeur d’un figuier, porte un fruit à noyau de la grosseur d’une fève. Quand ce fruit est mûr, ils le pressent dans un morceau d’étoffe, et en expriment une liqueur noire et épaisse, qu’ils appellent aschy. Ils sucent cette liqueur, et la boivent mêlée avec du lait. À l’égard du marc le plus épais, ils en font des masses qui leur servent de nourriture ; car ils ont peu de bétail, faute de bons pâturages.

Ils demeurent toute l’année chacun sous un arbre. L’hiver, ils couvrent ces arbres d’une étoffe de laine blanche, serrée et foulée, qu’ils ont soin d’ôter pendant l’été. Personne ne les insulte : on les regarde en effet comme sacrés. Ils n’ont en leur possession aucune arme offensive. Leurs voisins les prennent pour arbitres dans leurs différends ; et quiconque se réfugie dans leur pays y trouve un asile inviolable, où personne n’ose l’attaquer. On les appelle Argippéens.

XXIV. On a une connaissance exacte de tout le pays jusqu’à celui qu’occupent ces hommes chauves, et de toutes les nations en deçà. Il n’est pas difficile d’en savoir des nouvelles par les Scythes qui vont chez eux, par les Grecs de la ville de commerce[1] située sur le Borysthène, et par ceux des autres villes commerçantes situées sur le Pont-Euxin. Ces peuples parlent sept langues différentes. Ainsi les Scythes qui voyagent dans leur pays ont besoin de sept interprètes pour y commercer.

XXV. On connaît donc tout ce pays jusqu’à celui de ces hommes chauves : mais on ne peut rien dire de certain de celui qui est au-dessus ; des montagnes élevées et inaccessibles en interdisent l’entrée. Les Argippéens racontent cependant qu’elles sont habitées par des Ægipodes, ou hommes aux pieds de chèvre[2] ; mais cela ne me paraît mé-

  1. C’est la ville de Borysthène.
  2. Ces montagnards, accoutumés à gravir sur les plus hautes montagnes, étaient sans doute comparés, par les Argippéens, aux chèvres qui grimpent