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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

sent leurs chariots pour aller dans le pays des Sindes. L’hiver continue de la sorte huit mois entiers ; les quatre autres mois, il fait encore froid. L’hiver, dans ces contrées, est bien différent de celui des autres pays. Il y pleut si peu en cette saison, que ce n’est pas la peine d’en parler, et l’été il ne cesse d’y pleuvoir. Il n’y tonne point dans le temps qu’il tonne ailleurs ; mais le tonnerre est très-fréquent en été. S’il s’y fait entendre en hiver, on le regarde comme un prodige. Il en est de même des tremblements de terre. S’il en arrive en Scythie, soit en été, soit en hiver, c’est un prodige qui répand la terreur. Les chevaux y soutiennent le froid ; mais les mulets et les ânes ne le peuvent absolument, quoique ailleurs les chevaux exposés à la gelée dépérissent, et que les ânes et les mulets y résistent sans peine.

XXIX. Je pense que la rigueur du climat empêche les bœufs d’y avoir des cornes. Homère rend témoignage à mon opinion dans l’Odyssée, lorsqu’il parle en ces termes : « Et la Libye, où les cornes viennent promptement aux agneaux. »

Cela me paraît d’autant plus juste que, dans les pays chauds, les cornes poussent de bonne heure aux animaux, et que, dans ceux où il fait un froid violent, ils n’en ont point du tout, ou, si elles poussent, ce n’est qu’avec peine.

XXX. Dans ce pays, le froid en est la cause ; mais, pour le dire en passant, puisque je me suis accoutumé, dès le commencement de cette histoire, à faire des digressions, je m’étonne que, dans toute l’Élide, il ne s’engendre point de mulets, quoique le climat n’y soit pas froid, et qu’on n’en puisse alléguer aucune autre cause sensible. Les Éléens disent que, s’il ne s’engendre point de mulets chez eux, c’est l’effet de quelque malédiction. Lorsque le temps s’approche où les cavales sont en chaleur, les Éléens les conduisent dans les pays voisins, où ils les font saillir par des ânes ; lorsqu’elles sont pleines, ils les ramènent chez eux.

XXXI. Quant aux plumes dont les Scythes disent que l’air est tellement rempli qu’ils ne peuvent ni voir ce qui est au delà, ni pénétrer plus avant, voici l’opinion que