se conduisit, au rapport des Sybarites, Doriée et ceux qui l’avaient suivi. Mais les Crotoniates assurent que, dans la guerre contre les Sybarites, ils n’empruntèrent du secours d’aucun autre étranger que de Callias d’Élée. Ce devin, de la race des Jamides[1], s’était sauvé de chez Télys, tyran de Sybaris, parce que les entrailles des victimes ne lui présageaient rien de favorable dans la guerre contre Crotone, et s’était réfugié auprès d’eux. Tel est le langage que tiennent les Crotoniates.
XLV. Voici les preuves qu’en apportent les uns et les autres. Celles des Sybarites sont, d’un côté, le bois sacré et le temple que fit élever Doriée, près du torrent de Crathis, à Minerve Crathienne, après avoir pris leur ville avec les Crotoniates ; d’un autre, la mort de Doriée, et c’est la plus forte preuve qu’ils puissent donner, parce qu’il fut tué pour avoir agi contre les ordres de l’oracle. Car si, au lieu de les transgresser, il les eût accomplis en allant au lieu où il l’envoyait, il se serait emparé du pays d’Eryx, l’aurait conservé, et n’aurait pas péri lui-même avec son armée. Mais les Crotoniates prouvent ce qu’ils disent par les terres qu’ils donnèrent dans leur pays à Callias d’Élée ; sa postérité en jouissait encore de mon temps. Ils ne firent
- ↑ Jamus était un devin d’Élée, fils d’Apollon et d’Évadné, laquelle était fille de Neptune et de Pitané, fille du fleuve Eurotas. Apollon lui accorda le don de la divination, et à tous ses descendants, qu’on appelait Jamides. (L.)
qui étaient sur la place. Télys envoya des ambassadeurs à Crotone, avec ordre de redemander les exilés, ou de déclarer la guerre en cas de refus. Le peuple était disposé à les rendre ; mais, le philosophe Pythagore les ayant engagés à les protéger, ils résolurent de prendre leur défense. Les Sybarites mirent trois cent mille hommes sur pied ; les Crotoniates, commandés par Milon l’athlète, allèrent au-devant d’eux avec cent mille hommse. Celui-ci, qui avait remporté six fois le prix aux jeux olympiques, et qui n’avait pas moins de grandeur d’âme que de force de corps, enfonça le premier ceux qui lui étaient opposés. Les Sybarites furent battus, la plupart furent tués en fuyant, et leur ville, prise et pillée, fut réduite en une parfaite solitude. Cinquante-sept ans après, un certain Thessalus rassembla les Sybarites qui avaient survécu au désastre de leur patrie, et ayant rétabli la ville, elle fut de nouveau détruite par les Crotoniates. Mais, six ans après, les Athéniens y envoyèrent une colonie, la rebâtirent dans le voisinage de l’ancienne ville, et donnèrent à cette ville le nom de Thurium. La destruction de Sybaris par les Crotoniates est de l’an 4207 de la période julienne, 507 ans avant l’ère vulgaire. (L.)