Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

meura aveugle le reste de sa vie. On m’a assuré qu’en parlant de cet accident, il disait qu’il avait cru voir devant lui un grand homme pesamment armé, dont la barbe ombrageait tout son bouclier ; que ce spectre le passa, et alla tuer celui qui combattait à ses côtés. Telle est l’histoire que raconte Épizélus, suivant le récit qu’on m’en a fait.

CXVIII. Datis eut à Mycone, en retournant en Asie avec l’armée, une vision pendant son sommeil ; mais on ne dit point ce que c’était que cette vision. Dès que le jour parut, il fit faire des perquisitions sur toute la flotte ; et, ayant trouvé sur un vaisseau phénicien une statue dorée d’Apollon, il demanda dans quel temple on l’avait pillée. Lorsqu’il l’eut appris, il se rendit lui-même sur son vaisseau à Délos, mit en dépôt la statue dans le temple, et enjoignit aux Déliens, qui étaient alors de retour dans leur île, de la reporter au Délium[1] des Thébains, qui est sur le bord de la mer, vis-à-vis de Chalcis. Cet ordre donné, Datis remit à la voile pour rejoindre sa flotte. Les Déliens ne reportèrent point la statue ; mais, au bout de vingt ans, les Thébains la transportèrent eux-mêmes à Délium, en vertu d’un oracle.

CXIX. Datis et Artapherne n’eurent pas plutôt abordé en Asie, qu’ils menèrent à Suses les Érétriens qu’ils avaient réduits en esclavage[2]. Darius était très-irrité contre les Erétriens avant qu’ils eussent été faits prisonniers, parce qu’ils l’avaient attaqué les premiers, sans qu’il leur en eût donné aucun juste sujet. Mais dès qu’on les lui eut amenés, et qu’il les vit en son pouvoir, il ne leur fit point de mal, et les envoya à Ardericca, stathme de la Cissie, qui lui appartenait en propre. Ce stathme est à deux cent dix stades de Suses[3], et à quarante du puits qui fournit trois

  1. Temple d’Apollon dans la ville de Délium.
  2. Il y eut sept cent quatre-vingts prisonniers faits à Érétrie, parmi lesquels il y avait des femmes, des vieillards et des enfants. La plupart des Érétriens se réfugièrent parmi les écueils de l’Eubée. Il y en eut quatre cents qui furent menées à Suses, au nombre desquels il y avait dix femmes. Le reste périt en Ionie et en Lydie. (L.)
  3. Si l’on s’en rapporte au témoignage de Damis, cette bourgade était dans la Médie, à une journée de Babylone. Il n’y a point de villes, dit-il, en Cissie ; on n’y voit que des bourgs. Les habitants en sont nomades, et quit-