culier cette remarque que le mouvement dans l’espace est le principe de toute modification. C’est sur cette pensée que s’appuie la science moderne de la nature.
Ce qui donne un cachet réaliste à la philosophie de Bruno, c’est sa polémique acérée contre Platon et Aristote, lesquels opposaient l’idée ou la forme à la matière. La première devenait ainsi fantastique, et la dernière était réduite à un principe absolument passif et stérile. S’associant aux anciens philosophes naturalistes grecs (peut-être aussi influencé par Paracelse), Bruno pose la doctrine de la conservation de la matière. Du grain de semence se forme la tige, de la tige l’épi, de l’épi le pain, du pain le chyle, du chyle le sang, du sang le sperme, du sperme le fœtus, du fœtus un homme, de l’homme un cadavre, du cadavre de la terre ! Ainsi s’opère une transformation continue de la matière. Celle-ci subsiste sous le changement des « formes ». Et les formes qu’elle prend dans les cas particuliers ne lui viennent pas du dehors, mais de son propre sein. L’art produit les formes par la synthèse ou par la décomposition de la matière. La nature, elle, produit ses formes en développant ce qui se trouve en elle a l’état de disposition, en déployant ce qui est renfermé dans le principe originel de la nature. Bien loin d’être une chose vile et méprisable, la matière est pour cette raison une chose divine (cosa divina), la créatrice et la mère des choses naturelles ; bien plus, elle ne fait qu’un avec la nature elle-même. Bruno dit que cette observation de l’importance et du caractère originel de la matière le porta même pendant un certain temps à ne voir dans les formes qu’une chose extérieure et transitoire dans la nature. La philosophie de la nature de Telesio avait alors probablement fait impression sur lui. Cependant il vit qu’il devait y avoir un principe primordial qui puisse expliquer les formes. Forme et matière, activité actuelle et réceptivité passive doivent nécessairement être réunies à l’origine dans l’être qui est au fond de toutes choses. L’activité divine n’a pas de matière hors d’elle-même et n’a non plus besoin d’être mise en mouvement du dehors. Possibilité et réalité coïncident ici, de même matière et forme, passivité et activité. Bruno distingue deux sortes de substances qu’il nomme tantôt forme et matière, tan-