manière générale considérer comment les contraires dans leurs minima et dans leurs maxima se convertissent les uns dans les autres. Partout dans la nature les contraires agissent simultanément et à l’analyse exacte il en ressort toujours un principe commun auquel chacun d’eux fait pour sa part remonter. — Quand on considère comment Bruno « vérifie » ainsi sa théorie de l’unité des contraires, on voit qu’elle perd pas mal de son caractère mystique. Ce qu’il démontre, c’est la continuité des contraires, mais non leur identité absolue. Cela donne à sa doctrine un caractère réaliste en engageant à chercher tous les moyens termes et toutes les causes intermédiaires et à voir le but suprême dans ce qui rend possible leur combinaison et leur action commune. C’est là aussi le sens de sa théorie de l’âme universelle ; la même pensée apparaît déjà également dans l’ouvrage des ombres des idées. Tout cet ordre d’idées le plongea dans un état d’âme optimiste. Ruine, décomposition, difformité et souffrance, tout cela ne concerne pas le moins du monde ce qui vraiment existe. Cela fait partie du monde sensible, où possibilité et réalité ne vont pas toujours de pair et où les contraires ressortent en conflit violent entre eux. Cela disparaît pour qui fixe son regard sur l’être éternel. Mais cela disparaît également pour qui conçoit chaque chose dans sa nature individuelle selon la manière déterminée dont elle occupe sa place dans le grand enchaînement, où le plus petit chaînon lui-même a son importance : « Tout est parfait, car tout dans son individualité (De imm. II, 12 : in sua individuitate) est un être qui n’est limité par aucun autre : voilà la mesure interne de la perfection. » Et ce qui est mauvais à de certains points de vue et pour quelques êtres, est bon pour d’autres êtres et à d’autres points de vue. Voilà pourquoi celui qui fixe son regard sur l’ensemble de l’enchaînement voit la désunion se résoudre en harmonie. La nature est comme un maître de chant qui a beaucoup de voix dans son chœur, mais qui aussi est capable de les faire retentir harmonieusement. — Ce n’est cependant qu’en séjournant dans ces régions sublimes que la pensée de Bruno peut s’attacher à cette harmonie. Quand elle se plonge dans les contraires effectifs de la vie, elle éprouve à tel point leur contradiction que le fond de son humeur en devient plus complexe et prend un
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