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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/151

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positive et il y penche de plus en plus à mesure qu’il vieillit ; Bruno, lui, ne s’arrête qu’un instant pour s’écrier que « les plus profonds et les plus divins des théologiens » ont appris qu’on vénère et qu’on aime plus Dieu par le silence que par la parole, et pour célébrer les avantages de la théologie négative sur la théologie scolastique — après quoi il revient à la nature. L’échelle de la connaissance qu’il érige n’est pas tout à fait assez haute, aussi se complaît-il au milieu de l’échelle, là où les chercheurs ont leur place.

La théologie positive n’a pour Bruno qu’une importance pratique, mais non théorique. Il défendit le nouveau système astronomique, pour lequel il lutta et qui se heurtait à une si grande résistance de la part de ceux qui croyaient en la Bible, disant (ainsi que le firent par la suite Galilée et Kepler) « que les livres saints ne traitent pas de preuves et de spéculations concernant les choses naturelles, comme s’il s’agissait de la science, mais qu’au contraire ils voulaient par leurs commandements diriger l’action morale pour le bien de notre esprit et de notre cœur. » Voilà pourquoi, ajoute-t-il, ils devaient parler une langue intelligible à tous. Il voulait ainsi réduire au silence «  un impatient et rigoureux rabbin » éventuel, lui-même est convaincu que la nouvelle philosophie établie par lui soutiendra beaucoup plus la vraie religion qu’aucune autre philosophie, car elle enseigne que l’existence est infinie ainsi que sa cause et qu’en dépit de tous les changements il n’y a pas de destruction absolue. Cette déclaration (Cena, p. 169-173) renferme l’image la plus claire des rapports de Bruno avec la religion positive, que l’on puisse trouver. En d’autres passages (De l’infin., p. 318, De gl’her. fur. p. 619), son expression est plus intellectuellement aristocratique, par exemple lorsqu’il dit que la foi est faite pour les hommes incultes qui doivent être dirigés, mais que la pensée est pour les natures contemplatives sachant être maîtresses d’elles-mêmes et d’autrui. Il n’est pas surprenant que les circonstances lui aient présenté différents aspects surtout au cours de la violente lutte qu’il avait à mener contre des préjugés qui s’appuyaient sur des idées religieuses. — Là où par occasion il attaque ou vise le christianisme, c’est bien plutôt le protes-