Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/309

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reuse application de la loi de causalité n’empêche pas chez lui l’union mystique de l’homme avec la Divinité, il la facilite bien plutôt. Ajoutons que ce grand et divers enchaînement de pensées est exposé à la façon des mathématiques (more geometrico), sous la forme de théorèmes et de preuves, et nous aurons l’image d’une œuvre unique en son genre. Il n’est pas étonnant que les contemporains ne l’aient pas comprise, et même que l’époque où elle devait être comprise, en ce qui concerne le côté idéaliste, n’ait commencé que cent ans après son apparition, et soit arrivée de nos jours seulement, en ce qui concerne le côté réaliste. Pour l’histoire de la philosophie, le premier devoir sera, en présence d’une œuvre comme celle-ci, d’examiner comment elle est née, sur quels postulats historiques elle repose. On dirait un cristal taillé ; nous voudrions si possible découvrir quelque chose du processus de cristallisation. La personnalité de Spinoza, les détails de sa vie, et son développement philosophique pourront peut-être nous y aider. On ne saurait guère douter que le contenu varié qui est rassemblé dans ce cadre si original, ne soit surtout maintenu dans son ensemble par la personnalité de l’auteur. Ensuite une analyse du système nous montrera comment les conceptions et les éléments que l’auteur s’assimila, furent mis à profit par lui, et s’il a atteint son but et comment.

Baruch Spinoza naquit le 24 novembre 1632 à Amsterdam où ses parents, juifs espagnols, avaient trouvé un refuge contre l’Inquisition. L’enfant, bien doué, fit ses premières études à la Haute école juive de cette ville, où il fut initié au Talmud et à la philosophie juive du moyen âge. Ainsi était posé le fondement d’une des tendances essentielles de sa pensée : la tendance à soutenir et à développer la pensée de la Divinité considérée comme l’être unique infini, ainsi que cette idée apparaît dans les religions supérieures populaires, et spécialement dans le Judaïsme. Cette tendance orientale et mystique forma chez lui la base constante et lui donna l’orientation nette, la direction fixée sur un point unique qui caractérisent sa pensée. Il commença de bonne heure à douter de la théologie mosaïque, ce qui lui attira la méfiance des théologiens juifs, et par contrecoup l’éloigna de la synagogue. Il éprouvait le besoin d’agrandir