Page:Haag - Le Livre d’un inconnu, 1879.djvu/45

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Ô Dieu ! quand je te vois ainsi, le doute horrible
Renaît, et je me dis que ce n’est pas possible,
Que mon amour a dû se faire illusion,
Que ce rêve, que cette adorable union
D’un enjouement naïf et d’un cœur si sincère,
N’est qu’une décevante et trompeuse chimère ;
Que le souffle banal de ce monde où tu vis,
Sa morale odieuse et ses honteux avis,
N’ont pu sans la ternir effleurer ta pensée ;
Et que dans ce baiser où ma vie est passée,
Dans ce premier baiser, dans ce baiser trompeur,
Tes lèvres se donnaient peut-être sans ton cœur,
Et les soupçons hideux me reviennent en foule.
Alors je sens qu’en moi quelque chose s’écroule :
Croyance, espoir, tout sombre en ce cruel moment,
Et, dans l’affreux chaos de cet effondrement,
La Volupté, sirène étrange aux yeux d’opale,
Surgit, comme au sabbat maudit la lune pâle,
Et j’entends s’éveiller à son appel malsain
Tous les mauvais désirs qui hurlent dans mon sein.
Oh ! oui, je t’aime alors, mais d’un amour infâme :
Je voudrais posséder ce corps, ce corps de femme ;
Je voudrais le couvrir de mes baisers lascifs,
Et le sentir frémir aux plaisirs convulsifs