Page:Haag - Le Livre d’un inconnu, 1879.djvu/69

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— Plus près, sur les clartés vagues des horizons,
Je distingue de noirs fantômes de maisons ;
Un boulevard très long et très droit se devine
Au rougeâtre sillon dont le ciel s’illumine,
Et là-bas, du côté de Vanve et de Clamart,
Un bec de gaz perdu brille sur le rempart.
Je connais cet endroit : souvent, passant nocturne,
J’ai promené par là ma douleur taciturne,
Et déjà je me vois refaisant pas à pas
Le long chemin qu’il faut suivre jusque là-bas ;
J’en sais chaque pavé, j’en connais chaque ornière :
D’abord l’ancien faubourg où, l’automne dernière,
Le cœur tremblant d’émoi, j’attendis si souvent ;
La façade muette et morte d’un couvent,
Et, le long des jardins qu’un haut mur emprisonne,
Le trottoir où mon pas sur la dalle résonne.
J’arrive à la barrière et tout pour un instant
S’anime — à l’angle un bal, et son gaz éclatant,
Dont la blanche lueur largement se projette
Jusque sur les bosquets jaunis d’une guinguette.
Au coin d’un carrefour j’entrevois en passant
Un louche cabaret, teint de lie et de sang,
Dont le quinquet rougeoie et dont la vitre sue ;
Puis encore une longue, interminable rue,