Page:Haase - Syntaxe française du XVIIe siècle.djvu/130

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II. On comptait autrefois par vingt[1]. De cet usage il ne reste plus guère de trace au xviie siècle que six-vingts.

Ex. : Je m’estime heureux d’être à six-vingts lieues de ces gens-là. (Balz., Lettr. à Chapel., I, 9.) — Il se trouva dans le trésor jusqu’à six-vingts mille talens. (Vaugel., Q.-C., V, 6.) — Par ma foi, je disois cent ans ; mais vous passerez les six-vingts. (Mol., L’Av., II, 5.) — Voilà six-vingts pistoles pour M. de Valzergues. (Maint., Corr., II, 136.) — Une salle... étoit soutenue de six-vingts colonnes. (Boss., Hist., III, 3.) — On y voit des vieillards de cent et six-vingts ans. (Fén., Tél., VII.)

Selon Palsgrave (p. 369 et 370), le peuple compte : six-vingts, sept-vingts, huit-vingts... dix-neuf-vingts, tandis que les gens cultivés se sont approprié la manière de compter moderne. Ils disent cependant : septante, octante, nonante, tandis que le peuple préfère la forme soixante et dix, quatre-vingts, quatre-vingts et dix. Vaugelas admet septante (II, 143) seulement pour désigner les 70 traducteurs de la Bible et exige pour l’emploi ordinaire soixante et dix, de même quatre vingts et quatre vingt-dix. Ménage (I, p. 479) admet septante aussi pour le langage mathématique. L’Académie l’approuve. Vaugelas lui-même écrit souvent six vingts et n’est point contredit par les grammairiens. Ménage exige même six-vingts au lieu de cent vingt.

III. D’après l’ancienne règle, vingt et cent prennent la marque du pluriel dans les multiples, même dans les cas où l’emploi moderne le proscrit[2]. Cette coutume est encore générale au xviie siècle. Palsgrave (p. 369), Vaugelas (II, 111) et les autres grammairiens la respectent en général. Cependant on trouve quelques hésitations, et l’on rencontre exceptionnellement cent et quatre-vingt sans s, contrairement à l’usage actuel ; mais cette orthographe n’est, le plus souvent, qu’un lapsus de plume ou une faute d’impression.

Ex. : Un de nos amis de quatre cens mille langues. (Balz., Diss. crit., XIV.) — Qui diroit que Henri le Grand, par sa déclaration du mois d’août mil cinq cens quatre-vingts-neuf, incita le peuple à la révolte. (Id., Diss. crit., VI, ch. 3.) — L’infanterie étoit composée de deux cens cinquante mille hommes. (Vaugel., Q.-C., III, 2.) — La mesure de ce jus... valoit deux cens quarante deniers, celle de miel trois cens quatre-vingts-dix. (Id.,

  1. D’après un usage d’origine celtique.
  2. Quatre vingts deux au lieu de quatre vingt deux ; trois cents dix au lieu de trois cent dix.