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Quand donc, ô grand Dieu, se réalisera le projet que je nourris de voir un jour mon cœur en repos auprès de sa chevelure en désordre[1].

  1. Toutes les odes suivantes sont pleines d’allusions à la chevelure. D’après Darabi : l’Unité dans la multiplicité s’exprime, chez les Soufis, par le mot chevelure. Il en donne pour exemple le vers suivant qu’il explique : Une troupe de gibier s’est prise dans les filets de mon cœur ; cette boucle de cheveux, piège où nous étions retenu, tu l’as défaite, et mon gibier est parti.

    Il faut se rappeler qu’en dehors de la secte des Ach’aris aucune religion n’admet que Dieu puisse être vu. Les Soufis, qui disent avoir vu Dieu, n’en ont vu que la réflexion, comme l’image du soleil dans une glace, celle du feu par la chaleur qui en émane. En réalité, le Saleq, qui se dégage des liens de l’existence et de sa personnalité, acquiert un regard qui ne voit plus rien en dehors de Dieu. Il voit Dieu sans voile et c’est pourquoi Hafiz dit « mon cœur a pris une troupe de gibier », c’est-à-dire mon cœur a vu Dieu dans la création. Par suite son cerveau éclairé retrouve la tranquillité, car dans la pensée des savants l’Unité est dans la multiplicité. C’est alors que tu as dénoué tes boucles de cheveux.