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Page:Hall - Les trois chercheurs de pistes, 1886.djvu/13

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magnifiques, d’herbes et de mousses curieuses.

Marion, tout avertie qu’elle était que sa maison se trouvait dans un endroit dangereux sur la frontière, demeurait convaincue qu’elle devait être à l’abri de toute découverte, à cause de son isolement et de sa position à la fourche des ruisseaux, où seulement par hasard un ennemi pouvait entrer.

Si la demeure avait été située cinq milles plus haut ou plus bas sur le Concho, Marion n’aurait pas osé y demeurer une seule nuit, et certes son mari ne l’aurait pas voulu.

L’on verra aussi que si la maison avait été à cinquante verges plus loin sur le côté opposé de la rivière elle aurait été visiblement en danger d’être découverte à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Mais la difficulté de passer la rivière à gué lui était d’un grand avantage. Tout ceci, Munroe l’avait expliqué à sa femme, et celle-ci s’était entièrement confiée au jugement et à la discrétion de son mari.

Marion était ravissante telle que nous la voyons à présent, assise avec son enfant entre deux piliers couverts de vignes sous une voûte naturelle de branches d’où pendaient des festons de mousse, et éclairée par la lumière douce et mourante du soleil couchant ; ainsi encadrée dans la verdure elle était charmante à voir, surtout pour Madison Munroe au retour d’une longue journée de travail.

Hélas ! cette charmante maisonnette, vrai paradis sur terre, devait être envahie par les rouges démons du Rio Pécos.

Plus heureuse demeure n’avait jamais existé nulle part. La vie du jeune couple jusque-là avait été douce comme un beau rêve d’été, et ni l’un ni l’autre ne pensait que ce songe béni allait être changé en un horrible cauchemar, qu’ils étaient destinés tous les deux à souffrir dix mille morts, à endurer une agonie morale et physique des plus affreuses, et que même leur enfant bien-aimé devait être torturé jusqu’aux portes de la mort.

Si Marion avait été moins heureuse et moins préoccupée de douces pensées relativement au retour de son mari, elle aurait peut-être été oppressée par les ombres que projetaient les branches garnies de mousses, et par les murmures plaintifs que faisait entendre la rivière en passant à travers les roseaux de la rive.