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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/103

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SES DEUX RÉPUTATIONS.

Beaumarchais a vécu dans un temps où la diffamation était effrontée contre les particuliers ; des libelles clandestins circulaient alors dans toutes les classes de la société ; ils agissaient sur l’opinion d’une façon profonde et redoutable. Ce fut ainsi que se répandirent contre Beaumarchais quelques abominables accusations dont l’histoire a, depuis, fait justice. Mais, dès cette époque, les diffamateurs n’étaient pas assez sots pour s’attaquer à des hommes irréprochables : c’était toujours contre des personnages déjà suspects qu’ils exerçaient leur industrie. Nous connaissons cette tactique. On porte contre un homme une accusation mensongère ; mais, le jour où l’on est confondu, on s’est d’avance ménagé une ligne de retraite : « Il n’est pas coupable, c’est possible. Cependant c’était si vraisemblable ! » Parfois, pour Beaumarchais, on est sorti de la vraisemblance. Mais il était bien de ceux qui appellent la diffamation, non seulement par le tapage qu’ils font dans le monde, mais aussi par ce je ne sais quoi d’impudent et de louche dans la conduite de la vie, qui tout de suite donne crédit aux pires calomnies.

À force de « s’arraisonner », lui-même crut, un jour, avoir découvert le mot de l’énigme. S’il avait subi tant d’injures, c’était qu’à cause de ses aptitudes diverses, il n’avait été d’aucun état, d’aucune profession, d’aucune coterie ; il avait donc été partout un