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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/106

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BEAUMARCHAIS.

démontre pas avec une suffisante évidence que son caractère fût supérieur à ces bas emplois.

Un de ses amis lui écrivait un jour : « Avec le cœur d’un honnête homme, tu as eu toujours le ton d’un bohème ». Il en avait le ton et il en avait aussi les attitudes et les mœurs. L’effronterie de sa vie épouvantait les gens les moins austères. Il était, comme il l’a cent fois répété, « heureux dans son intérieur ». Mais il l’était sans discrétion, sans tact, sans vergogne. Il faisait au public les honneurs de ses félicités domestiques avec un mauvais goût infatigable ; il ouvrait à deux battants les portes de sa maison ; il parlait à tout propos de sa vie privée ; il racontait aux passants qu’il aimait son père, qu’il aimait ses sœurs, qu’il aimait sa fille, et donnait libéralement le spectacle de ses affections, de ses intimités et de ses faiblesses. Plus d’une fois ce fut la calomnie qui le provoqua à ses épanchements. Mais à voir la joyeuse complaisance avec laquelle il insistait alors sur sa défense, on devine combien il lui plaisait de vivre, d’écrire et d’aimer sur la place publique. Il avait pris comme emblème un tambour avec cette devise : Silet nisi percussus. L’emblème était bon, mais la devise ne valait rien : il y avait des jours où le tambour roulait tout seul. Quand, après dix années de liaison, Beaumarchais se résolut à épouser Mlle Willermaula et à légitimer ainsi sa fille Eugénie, rien ne l’obligeait à porter cette action honorable à